Il y a toujours dans notre vie, des films, des séries ou des animés qui nous marquent plus que d’autres. Je ne fais pas exception à la règle. Et si je me suis retrouvé à co-diriger une nouvelle adaptation française de cette série pendant 2 ans et demi, ce n’est absolument pas par hasard. Au delà, j’ai eu également la chance de produire un documentaire en 4 épisodes d’une heure intitulé « 20 ans de Digimon en France », sorti en 2021 sur Youtube. Une vingtaine de témoignages s’y mélangent afin de retracer Digimon, sous toutes ses formes, sur ces 20 dernières années.
DIGIMON ADVENTURE
C’est en 1999 que l’aventure DIGIMON ADVENTURE commence au Japon, puis s’étend à travers le monde. En France, c’est au début des années 2000 que je découvre un matin sur TF1 le premier épisode de cet animé qui restera à jamais gravé dans mon cœur. Un groupe de sept enfants est en camp de vacances lorsque soudain, il neige et que sept petits appareils venus du ciel les transporte dans un autre monde, le monde Numérique. Ils vont alors rencontrer des petites créatures numériques, les Digimon, capable de se “digivolver” (à savoir évoluer dans d’autres formes, le terme digivolver étant alors une création de la Saban, production en charge de l’adaptation à l’étranger).
Au début, je regardais ça comme beaucoup d’enfants en me disant “ah ça ressemble à Pokémon”, mais rapidement, j’ai compris que ça n’avait au final rien à voir. C’était différent. Plus humain, plus “adolescent”, plus sérieux, parfois plus sombre. J’ai vite délaissé TF1 pour suivre l’animé chaque soir en rentrant de l’école sur FOX KIDS (qui s’est un temps arrêté à la diffusion de l’épisode 27 de la première saison, quelle frustration). Dès lors, mon anniversaire et Noël approchant, je ne pouvais faire autrement que de demander des figurines Digimon comme cadeau (et j’ai aujourd’hui quasiment toute la collection des monstres chez moi, fruit de plusieurs années de dépenses financières !).
La suite de la série reprend sur FOX KIDS (TF1 diffusant les épisodes de manière éparse), et je me retrouve alors fasciné par l’arc Myotismon, puis les Maîtres de l’ombre et enfin la conclusion des 54 épisodes. A l’époque je pleure lorsque j’apprends que mon cinéma ne diffusera pas le film adapté de la série (à ne JAMAIS voir en français d’ailleurs), la sortie du film ayant lieu le 4 avril 2001. Puis je m’abonne au magazine Digimon (dans lequel mes lettres seront publiées trois fois) et j’apprends qu’une seconde saison va arriver !
C’est avec plaisir que je retrouve les héros de la première saison, plus grands, devenus adolescents. Il faut que je sois honnête, j’étais moins attaché par la nouvelle génération qui prenait la place de Taichi et les autres. Mais comme les anciens sont toujours là, je dévore cette seconde saison de 50 épisodes.
Par la suite, d’autres séries sur l’univers vont sortir, Tamers, Frontier... Mais rien n’y fait, mon attachement n’est là que pour la partie “ADVENTURE”. Une série qui m’a accompagné tout au long de mon adolescence (et de ma vie d’adulte également avec la sortie d‘Aventure Tri dont l’histoire se déroule trois ans après la seconde saison).
Si à l’époque je devais me contenter de la seule version française diffusée à la télévision, je découvre vers mes 17/18 ans le plaisir des deux saisons (et des 4 films prenant place avant, entre deux et après la série) en VOSTFR. A l’époque, c’est feu Megaupload qui me permet de les télécharger (et de les conserver encore aujourd’hui), tandis que je me désole de voir une sortie DVD (que j’achète tout de même) ne proposant que la version française.
Je pense que c’est lorsque j’ai redécouvert la série dans sa version originale non censurée que j’en suis pleinement tombé amoureux. Comprenant alors tous les degrés de lecture et m’attachant d’avantage à chacun des héros. C’est un fait, si vous devez découvrir la série aujourd’hui, c’est en VO et uniquement en VO qu’il faut le faire.
Qu’est-ce qui me plait autant dans cette série et dans cet univers ? Tout d’abord les personnages. Mimi Tachikawa et Joe Kido en tête. Ce ne sont pas les “héros”, pas les leader du groupe, mais c’est les deux personnages sur lesquels je me suis rapidement identifié. Mimi est la “princesse” du groupe, du moins en apparence. Considérée comme superficielle et égocentrique, elle dévoile un cœur en or, un sens de l’humanité développé (elle refusera un temps de participer à la guerre les opposants aux Maitres de l’ombre voyant trop de leurs amis périr dans la bataille) et représente un peu la fraicheur, la pureté, la sincérité (qui représente d’ailleurs son emblème, donc sa plus grande qualité) du groupe.
Joe, lui, est le plus âgé, le plus responsable mais aussi le plus craintif. Il est celui qui ne comprend pas cet autre monde, celui qui a besoin de repères, d’un cadre et qui se veut “protecteur”. Les deux personnages sont ceux qui représentent le mieux les réactions que des enfants (puis adolescents) ordinaires pourraient avoir dans ce type de circonstances.
La relation qu’ils entretiennent l’un et l’autre n’est pas non plus pour me déplaire (et fur le fruit de nombreuses fanfictions que j’ai pu écrire sur le sujet d’ailleurs). A l’époque, tout le monde adorait soit Taichi, le leader impulsif et joueur de foot, soit Yamato, le garçon solitaire et musicien. Impliqués dans un “triangle amoureux” avec Sora, la “maman” du groupe un peu garçon manqué. Les plus jeunes, Takeru et Hikari (qui sont d’ailleurs le frère de Yamato pour l’un et la petite sœur de Taichi pour l’autre) sont également très appréciés (et feront le lien avec la seconde génération), tandis que Koushiro, le geek en informatique se trouvera lui aussi un public assez fidèle.
Ce qui m’a plu également, ce sont les relations entre les humains et leurs Digimon. Contrairement à Pokemon, les Digimon peuvent parler et s’exprimer pleinement. Ils entretiennent ainsi chacun des relations plus ou moins différentes avec leurs partenaires. En général, ils développent des points communs avec leurs partenaires, et sont parfois à l’inverse de leurs homologues.
Si Agumon et Taichi ont le même tempérament, ce côte tête brûlée et fonceur, il en est de même pour Gabumon et Yamato. Les deux sont assez solitaires, assez discrets. A l’inverse, Piyomon est beaucoup plus “fille” et extravertie que Sora. Elle n’hésite pas à montrer ses émotions et son amour à la différence de la jeune adolescente qui va apprendre à s’ouvrir à son contact. Tentomon ne comprend rien à l’informatique ni à la partie geek de Koushiro, et va l’aider à s’ouvrir sur le monde extérieur. Et comment ne pas faire plus radicalement opposé que Gomamon et Joe ? Gomamon est un farceur, comique, enchaînant bêtises sur bêtises à l’inverse du si responsable Joe.
Si Palmon a un côté “girly” qu’elle partage avec Mimi, c’est grâce à cette dernière qu’elle découvre le monde de cette manière. Enfin, comment ne pas apprécier Tailmon, la partenaire d’Hikari. Tout d’abord alliée de leurs ennemis, elle se révèlera être une partenaire fiable et forte sur qui l’on pourra compter.
Également, les thèmes abordés parlerons à tous, et à moi en premier lieu. Le sens de l’amitié, du courage, de l’amour. La perte des parents et l’adoption, la mort, le deuil, le sens des responsabilités. Nous ne sommes pas dans un univers ou tout est blanc ou tout est noir, non. Ici les héros font des erreurs, les méchants ne sont pas – en tout cas pour la plupart – juste méchants par envie.
L’histoire se déroule aussi en partie dans notre monde. Pendant un grand arc de la première saison, la plupart de la seconde mais aussi la troisième saison (sortie entre 2015 et 2018 sous formes de six films). Ce qui rend le tout encore plus réaliste.
Aujourd’hui, je suis toujours un collectionneur de Digimon (figurines, peluches, livres, etc…), mais il y a trois ans, en 2020, ma vie de « fan » a pris un tournant totalement dingue lorsque j’ai rencontré François Chambard. Ce dernier arrivant, un peu par hasard, dans mes messages privés Messenger. Aiguillé par une connaissance commune qui dirige Digimon Community, il vient me proposer l’idée folle d’offrir une nouvelle adaptation en français à la série de 54 épisodes.
Comme moi, François regrette que le seul moyen en France pour découvrir Digimon Adventure, encore aujourd’hui, soit via une VF non respectueuse du matériel d’origine, changeant les musiques, les thèmes, ajoutant du comique partout et allant à l’extrême parfois sur les personnalités des personnages. Cette idée folle, on va la concrétiser.
Lui a la technique (et il sera pendant près de trois ans notre magicien du son, allant jusqu’à créer un système pour réaliser nos propres bandes rythmos et se perfectionnant dans la technique, nous offrant ainsi une VF d’une qualité similaire à celle d’un studio), et moi j’ai l’expérience, le management et l’organisation d’un projet aussi colossal.
Ancien producteur de spectacles pendant six ans, du temps libre à gogo grâce à la crise Covid, mes compétences servirons la cause de Digimon. Je passe alors de fan à impliqué dans un projet qui s’avérera être l’un des plus beaux projets de ma vie. François et moi réunissons une équipe autour de nous afin de donner voix aux personnages. Certains ont de l’expérience, d’autres sont totalement amateurs, et viennent ici en tant que fan de Digimon. Les plus expérimentés ne connaissent pas l’œuvre, et vont la découvrir.
Et on enchaîne les doublages, d’abord un épisode tous les quinze jours, puis un épisode par semaine. Puis les Digi-Chroniques à côté, des covers de chaque musique en français qui vont s’accompagner de clips vidéos, puis les films, et enfin la saga de Digimon Adventure Tri qui n’a jamais disposé d’une VF en France. On réalise l’impensable, on défi nos détracteurs (pensant certainement qu’on s’écroulerait au bout de deux épisodes).
Notre équipe se rencontre – malgré la distance qui nous sépare les uns des autres – plusieurs fois, à commencer par notre réunion dans un château durant quelques jours la première fois. Les amitiés se font, puis les années passent, et pour certains, les distances se créent. Mais à l’image des Enfants Elus, nous partageons quelque chose d’unique.
Une dizaine d’entre eux sont aujourd’hui parmi mes amis les plus proches. Parce qu’ils l’étaient déjà avant, et que les liens se sont renforcés, comme avec Shannon (qui joue Mimi), Marion (Sora) et Niwa (Gabumon). On habite les uns près des autres, et cette aventure a renforcé notre quatuor alors que l’on se connaissait déjà depuis dix ans.
Et il y a eu les belles amitiés avec ceux qui se sont impliqués toujours plus, en prenant part à la technique, à la gestion et à d’autres postes, comme Demi (Gomamon), mon partenaire de coeur, ou bien Valoup (Tentomon), Debo (Koshiro) et Nicolas (Devimon/Vamdemon). Une équipe diversifiée, fortement portée par les couleurs du drapeau LGBTQ, qui ne serait rien sans François (Patamon) qui est venu me trouver.
C’est grâce à lui que j’ai pu diriger un projet bénévole d’aussi grande envergure, que j’ai pu réaliser un rêve, en devenant la voix de Joe Kido, l’un de mes personnages préférés. Je suis passé de fan à acteur d’un univers qui n’a jamais cessé de me fasciner. Ces dernières années, on est resté à l’affût des nouveautés (le film Kizuna, le reboot et aujourd’hui le film The Beggining). Avec une envie de pouvoir proposer à la communauté Digimon en France toujours plus.
Une communauté qui n’est pas toujours la plus expressive. A l’inverse de la communauté de Pokemon, les fans de Digimon sont plus discrets et commentent moins. Heureusement, il y a la communauté de Digimon Trash qui essaye d’être active. Mais croyez-moi, faire partie de quelque chose d’aussi grand, d’aussi dingue, ça peut changer quelqu’un. Aujourd’hui, je vais avoir 35 ans dans quelques jours, et cela fait 23 ans que Digimon m’accompagne dans la vie. C’était sans doute le Destin pour moi de rencontrer François et de m’engager dans le DAFP.
Aldric SEVENO – Co Directeur Artistique du DAFP, et voix de Joe Kido
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